Heid des Gattes
Une réserve naturelle d'Ardenne et Gaume sur la commune d'Aywaille

Richesses de la résèrve


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Un eldorado pour la Salamandre

Par J.F. Hermanns (jfhermanns@ulg.ac.be)


Salamandra salamandra terrestris

La Salamandre qui vit dans la Réserve naturelle de la Heid des Gattes à Aywaille est une sous-espèce de la Salamandre tachetée. Elle est répandue dans l’Ouest et le centre de l’Europe. C’est un batracien forestier dont l’aire de distribution potentielle correspond à l’aire phytogéographique des hêtraies. Ces forêts occupaient leur extension maximale au subatlantique, vers 8.000 avant J.-C.

La Salamandre après la métamorphose n’a pas de prédateur naturel car elle possède des glandes cutanées qui sécrètent des toxines à la surface de son tégument. Ces sécrétions, abondantes et mousseuses lorsque l’animal est stressé, sont irritantes pour les muqueuses et neurotoxiques par absorption. Les prédateurs potentiels sont avertis du danger par les couleurs aposématiques de la livrée noire et jaune de la Salamandre adulte.

Elle est dotée de grands yeux noirs adaptés à la vision crépusculaire et nocturne et d’un organe olfactif voméro-nasal qui lui permettent de trouver et de capturer la nuit les proies dont elle se nourrit : Lombrics, Cloportes, Chenilles, Limaces, etc. Le jour, elle se dissimule dans des abris humides : feuilles mortes et branchages, tas de pierres, cavités diverses. Il est rare de la voir active le jour, sauf dans des conditions météorologiques particulières telles que des orages après des périodes sèches.
La Salamandre adulte est active une grande partie de l’année, sauf en période de gel entre novembre et février où elle se trouve en repos hivernal dans des abris souterrains. Elle est sédentaire, fidèle à son abri diurne et à son lieu d’hivernage. Les lieux de mise bas sont proches du gîte de la femelle adulte, souvent à moins de 100 mètres. L’erratisme est faible, il est estimé à 1 kilomètre au maximum.

Les Salamandres sont aptes à la reproduction à l’âge de 3 ou 4 ans. Leur longévité atteint 20 ans dans la nature. L’amplexus et le transfert du spermatophore ont lieu sur le sol à différentes époques de l’année, entre mars et septembre avec un pic en juillet. Après l’accouplement, les spermatozoïdes du mâle sont gardés dans la spermathèque de la femelle et la fécondation des ovules peut donc être différée. Le développement des embryons se produit dans l’utérus. La mise bas des larves dans le milieu aquatique (parturition ovovivipare, dite larviparité) débute à la sortie de l’hiver, surtout en mars et avril, et une deuxième vague est observée en automne dans nos régions. On suppose que les parturitions automnales correspondent aux accouplements précoces dans la saison, donc printaniers, alors que les mises bas au printemps correspondent à des accouplements lors de l’automne précédent. Lors de la parturition, la femelle s’immerge partiellement dans l’eau pour y déposer la totalité de sa ponte en une ou plusieurs nuits. Une portée compte de 8 à 55 larves. La parturition est le seul moment où la Salamandre aborde le milieu aquatique après la métamorphose.

Le 8 novembre 2008, nous avons observé une Salamandre adulte en train de nager dans un tunnel d’extraction inondé d’une carrière de la Heid des Gattes. Il pourrait s’agir d’une femelle occupée à la mise bas automnale. Cette Salamandre ne paraissait pas en difficulté dans l’eau.

Cette observation contredit l’opinion colportée dans la littérature que la Salamandre adulte est une piètre nageuse qui trouverait souvent la mort par noyade. Les larves sont déposées dans des eaux fraîches, bien oxygénées et oligotrophes : ruisseaux forestiers à cascatelles, tufs calcaires, sources, puits, suintements dans des grottes et des tunnels, etc. La durée de la vie larvaire jusqu’à la métamorphose est de 3 à 6 mois, minimum 2 mois.

Elle peut être nettement prolongée si la température de l’eau est froide et durer jusqu’à un an. Ceci explique que dans certains milieux protégés du gel et dont l’eau est froide, on trouve des larves de Salamandre tout au long de l’année. Les larves se nourrissent de divers invertébrés aquatiques ou tombés dans l’eau. Si les ressources trophiques du milieu sont pauvres, le cannibalisme est fréquent. A la différence des adultes, les larves ne sont pas protégées par des alcaloïdes toxiques. Elles sont attaquées par divers prédateurs dont des larves de Libellules, des Carabes, la Truite, le Saumon, le Chabot et la Musaraigne aquatique.

Au cours des périodes historiques, la Salamandre a vu son aire de distribution morcelée en raison des grands défrichages dans nos régions. Au Nord du sillon Sambre et Meuse, les populations actuelles de Salamandres sont souvent confinées dans des bois de petite surface qui constituent des reliques de l’écosystème qui existait avant la colonisation romaine. A l’époque contemporaine, les populations sont menacées par le trafic nocturne sur le réseau routier en forêt, dont sont victimes les Salamandres adultes. En effet la Salamandre adulte, protégée par son venin cutané, ne développe pas de comportement de fuite, à l’instar du Hérisson, protégé par ses piquants. Un autre facteur d’extinction locale des populations est la destruction des lieux humides naturels par le captage des sources, la canalisation des ruisseaux, l’empierrage des chemins, le remblaiement des vallons et l’eutrophisation. La Réserve naturelle de la Heid des Gattes est constituée de deux biotopes contigus qui permettent de répondre aux exigences du cycle vital de la Salamandre. L’habitat primaire est constitué par la forêt de ravin et le ruisseau de la partie Est de la Réserve naturelle, biotope typique de l’espèce.

Les carrières de Goiveux et de la Falize associent des suintements, des flaques et des ruisselets à l’air libre ou dans des milieux hypogés (tunnels d’extraction) et des éboulis rocheux. Dans ce milieu de substitution, la Salamandre trouve un abri diurne à proximité des lieux humides convenant pour le dépôt et la croissance des larves, ainsi que les sites pour la pause hivernale. L’étude comparée de ces deux habitats de la Salamandre dans notre Réserve naturelle est prometteuse d’enseignements pour identifier les conditions nécessaires à la conservation de cette espèce en précisant certaines particularités de son cycle vital et de son comportement. Les risques potentiels pour l’avenir de la population de Salamandres de la Heid des Gattes sont la pollution organique des ruisseaux, sources et suintements et les captures par des terrariophiles.

Bibliographie

Le support scientifique pour cet article a été trouvé dans les publications suivantes :

PARENT G.-H. (1983) : Protégeons nos batraciens et reptiles, coll. Animaux menacés en Wallonie. Ed. Région Wallonne, C.G.C.T. & éditions J. Duculot, Paris- Gembloux.

JACOB J.-P., PERCSY C., DE WAVRIN H., GRAITSON E., KINET T., DENOEL M., PAQUAY M., PERCSY N., & REMACLE A., (2007) : Amphibiens et Reptiles de Wallonie. Aves-Raînne et Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois (MRW-DGRNE), série « faune – flore - habitats » n°2, Namur.

ACEMAV coll., DUGUET R. & MELKI F. (2003) : Les Amphibiens de France, de Belgique et du Luxembourg. Collection Parthénope, éditions Biotope, Mèze (France).

Site internet : fr.wikipedia.org/wiki/salamandra_salamandra


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